Entre nous, qui n’a jamais soupiré d’agacement après avoir attendu 15 minutes au téléphone pour un simple changement d’adresse ? Ou abandonné un panier en ligne parce que le processus de retour ressemblait à un parcours du combattant ? Dans un monde où l’attention est une denrée rare et la patience un luxe, chaque point de friction dans l’expérience client peut coûter cher — très cher. C’est précisément là qu’intervient un KPI encore trop sous-exploité : le Customer Effort Score (CES).
Si vous êtes commercial, dirigeant ou expert en relation client, ce qui va suivre pourrait bien (re)dessiner votre façon de penser la satisfaction client. Pourquoi le CES change la donne ? Parce qu’il ne se contente pas de mesurer l’émotion ou la loyauté, mais s’attaque directement à la racine de nombreux problèmes : l’effort. Et dans une époque où “sans friction” est le nouveau Graal, cela mérite que l’on s’y intéresse sérieusement.
Customer Effort Score : de quoi parle-t-on exactement ?
Le Customer Effort Score, ou “Score d’Effort Client”, est un indicateur qui mesure à quel point il a été facile (ou difficile) pour un client d’interagir avec votre entreprise, que ce soit pour résoudre un problème, obtenir une information ou faire un achat. Concrètement, on pose au client une question simple à la fin de son interaction :
“Sur une échelle de 1 à 7, dans quelle mesure avez-vous trouvé facile l’accomplissement de votre objectif avec notre entreprise ?”
Plus il répond “7”, plus l’expérience a été fluide. Moins, vous avez du pain sur la planche.
Dans la vraie vie, le CES s’applique partout : support client, onboarding, tunnel de vente, retour produit… et c’est bien là toute sa puissance.
Pourquoi cet indicateur mérite sa place aux côtés du NPS et du CSAT
Traditionnellement, deux grands indicateurs règnent : le Net Promoter Score (NPS) et le Customer Satisfaction Score (CSAT). L’un mesure la probabilité que le client vous recommande, l’autre son niveau de satisfaction suite à une interaction.
Le CES, lui, est moins glamour mais étrangement plus prédictif. De nombreuses études (notamment celle de CEB/Gartner) ont démontré que :
- Réduire l’effort client est le facteur le plus déterminant de la fidélisation, plus que “surpasser” les attentes.
- Un client qui trouve une interaction facile est 94 % plus susceptible de racheter.
- À l’inverse, un client pour qui une interaction est difficile a 81 % plus de chances d’aller voir ailleurs.
Autrement dit, le CES ne mesure pas la perception a posteriori comme le CSAT, ni l’intention comme le NPS, mais bien une réalité opérationnelle : le parcours est-il fluide, ou pas ? Et c’est justement ce qu’on veut savoir pour améliorer concrètement ses process.
Quand j’étais DAF… et que j’en voulais à mon propre support client
Petite anecdote du terrain : il y a quelques années, alors que j’occupais la double casquette de DAF et de directeur commercial au sein d’une PME tech, je souhaitais modifier mon abonnement mensuel à notre propre CRM (si si…). Un outil que nous vendions, soutenions… et auquel je ne comprenais rien administrativement. Dix mails, deux appels et un ticket plus tard, c’était enfin réglé. Vous voyez l’ironie ?
Cet épisode nous a ouvert les yeux. Ce n’est pas le niveau de satisfaction qui posait problème (nos clients nous adoraient). C’était la mécanique : lente, imprévisible, avec trop de dépendances. Une fois que nous avons intégré le CES dans nos enquêtes post-ticket, nous avons littéralement inversé nos priorités : simplification avant résolution totale, clarté avant promesse. Et en 3 mois, notre taux de rétention client a gagné +6 points.
Comment mesurer et analyser efficacement le CES ?
Mettre en place le CES est étonnamment simple. Il suffit d’inclure une courte question à la fin de vos parcours. Les outils comme Zendesk, Intercom, Hotjar ou encore HubSpot permettent de l’automatiser sans gros investissement.
Voici les bonnes pratiques pour maximiser son utilité :
- Ciblez les bons moments : après une interaction avec le service client, un achat en ligne, ou un onboarding digital.
- Analysez les verbatims : ne vous fiez pas qu’aux scores. Les commentaires libres valent parfois de l’or pour détecter des irritants.
- Segmenter vos résultats : par canal, par étape du parcours, par persona. Cela vous permet de voir où le bât blesse vraiment.
- Bouclez la boucle : partagez les résultats avec les équipes concernées et mettez en place un plan d’action mensuel.
Dans l’un de mes mandats en tant que consultant pour une startup SaaS B2B, nous avons identifié grâce au CES que 42 % des utilisateurs rencontraient des difficultés lors de la création de leur premier tableau de bord. Résultat ? Un mini-coaching vidéo de 90 secondes intégré dans le produit… et un Net Promoter Score qui a bondi de 19 à 47 en trois mois. Comme quoi, un petit effort de notre part peut transformer l’expérience client.
L’effort, l’ennemi silencieux de votre rentabilité
Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que l’effort client coûte. Pas seulement en termes d’image, mais aussi, et surtout, en coûts cachés :
- Des équipes support engorgées par des demandes évitables ou répétitives.
- Des cycles de vente allongés parce que votre futur client met deux jours à comprendre votre offre.
- Une baisse du taux de conversion à des étapes critiques simplement parce que le formulaire est trop long, ou que les conditions de retour sont floues.
À l’ère de la simplicité sur-optimisée à la Amazon, Uber ou Doctolib, tous ces irritants ressemblent à des anachronismes. Et les clients ne pardonnent plus. En matière de fidélisation, la facilité a souvent plus de poids que l’enchantement. Pourquoi faire magique, quand on peut faire pratique ?
Le CES, outil puissant aussi pour les commerciaux
Si ce n’est pas encore clair : le Customer Effort Score n’est pas réservé au service client. Vos équipes commerciales aussi peuvent — et doivent — s’en servir.
Imaginez que vous proposez une solution B2B avec plusieurs modules. Si votre client potentiel vous dit que “comprendre la tarification vous a demandé un effort important”, ce n’est pas un problème de prix. C’est un problème d’effort. Et il peut bloquer la vente.
Le CES peut être un fantastique levier :
- Pour identifier les points faibles du parcours d’achat.
- Pour argumenter plus efficacement face aux objections (“trop complexe”, “pas clair”).
- Pour faire remonter des pistes d’innovation, issues directement du terrain.
L’un de mes clients grands comptes m’a rapporté que leurs SDR (Sales Development Representatives) utilisaient désormais des questions “effort” au téléphone pour jauger la clarté du parcours d’information avant les rendez-vous commerciaux. Résultat : des présentations mieux ciblées, adaptées au niveau d’engagement réel du prospect. Malin, non ?
Un score, une nouvelle culture
Adopter le CES, ce n’est pas juste ajouter une ligne à son tableau de bord. C’est accepter un changement de paradigme. Vos clients ne veulent pas forcément plus de “wow” factor. Ils veulent moins de “pfff”.
Ils ne rêvent pas que vous soyez incroyables. Ils rêvent que vous soyez simples. Prédictibles. Fluides.
Et ce shift, il touche toute l’entreprise :
- Les développeurs qui pensent l’UX d’une interface.
- Les RH qui digitalisent les process de recrutement (vous voyez le rapport, n’est-ce pas ? 😉)
- Les commerciaux qui simplifient leurs argumentaires et rendent leur expertise plus lisible.
Le Customer Effort Score, en fin de compte, n’est pas juste une mesure. C’est une boussole. Elle vous indique la bonne direction : celle de la simplicité, de la transparence et de l’intuition. Et c’est peut-être, aujourd’hui, votre meilleur atout pour construire une expérience client vraiment différenciante.
Car dans un marché où tout le monde promet l’excellence, être simplement facile à vivre pourrait bien être votre plus grand avantage concurrentiel.